J'étais ici depuis longtemps, seule, à ramasser des plantes. Depuis la disparition de mes parents et celle de ma sœur, je ne fais que ça à journée longue. Puisque cela m'aidait, en quelque sorte. Comme une façon de paralyser le mal, le mal qui nous hante à la perte d'un être cher. Celui qui brûle les côtes la nuit et qui te harcèle la tête et le cœur pendant le jour. C'est terrible comme sensation. Et bien ce mal la, je l'ai ressenti en puissant triple. Je me demande même des fois comment je fais pour survivre même après tout ça. Pour être honnête, j'en ai franchement aucune idée. L'instinct de survie? Nan, ça fait bien trop longtemps que je croupis ici pour même savoir ce qu'est le soleil. Pas celui qu'on voit dehors, mais celui à l'intérieur de nous, celui qui nous donne le goût de vivre. Je ne dis que j'ai envie de mourir loin de là, mais disons simplement que je suis en pause. Que je n'ai plus de motivation. Pourtant, pour moi tant que je sauve des chats, ça me suffit. Je n'ai jamais pensé d'avoir de chatons ni même de compagnons. Quand je regarde les guerrières se pavaner dehors avec leurs chatons et même les apprenties en cas d'exception, cela me rappelle seulement moi et ma sœur avec mes parents. Ma famille... Et voilà que chaque jour je reprend le même refrain, qui se laisse doucement se porter par le vent et par la chaleur de la saison chaude. Qui devient peu à peu invisible. Voilà ce que je suis devenue: invisible. C'est ça le problème de tout le monde. Ils croient que tout ce qu'ils ont est acquis, qu'ils ne risquent pas de perdre ce qu'ils possèdent déjà. En tout cas, c'est comme ça pour la plupart. Une petite larme coula sur ma joue et je décidai d'aller cueillir quelques plantes médicinales en cas de besoin, car il faut toujours être prête à toutes les situations.
Arrivée à la forêt, je me mis tout de suite à la recherche de remèdes importants qui me manquaient dans le gîte. J'avais noté de la camomille, de l'ail, des graines de pavot et de la racine de glouteron. Par chance, je mis peu de temps à trouver tous les ingrédients. Je regardai un peu partout aux alentours, question d'être sûre que personne n'était blessé. Question d'habitude je suppose. Ne voyant rien de suspect, je retourna à mon antre.
Et voilà la dernière partie de mon travail et non la plus intéressante. Pourtant, je dois la faire puisqu'elle est importante. J'allai chercher les remèdes que j'avais laissés non loin et les apportai ici pour les ranger. Et ça, je peux vous assurer que ça prend du temps.
- SURTOUT QUAND LES CHATS VIENNENT ME DÉRANGER EN TOUT TEMPS!, dis-je en me retournant.
Je vis un matou que je ne connaissais pas. Un nouveau? Non, impossible. Je décidai de me présenter en bonne et du forme, outre le goût horrible de bile de souris qui me titillait les narines.
- Bonjour, comment vas-tu? Tu es blessé? Allez entre, j'ai tout mon temps de toute façon.
Je l'invitai à entrer d'un signe de queue et c'est là que je le vis. Un magnifique chat rayé aux yeux bleux, yeux dans lesquels je me perdirent immédiatement...